[Nuit II] Le Dragon Béant

Une bien difficile bataille, et pourtant. Après la mort de Solaire, Jau s'empressa de ramasser sa lame divine pour combattre les infamies qui se dressaient face à vous. Spectres, squelettes, mort-vivants... Personne ne parlait, mais tout le monde suait à grosse goutte. De temps en temps, un cri étouffé retentissait quand un chevalier se faisait frapper par une créature, mais après quelques minutes de dur combat, les créatures retournèrent dans l'ombre.
Personne ne semblait satisfait. La mort de Solaire était difficile à avaler. Peut-être était-il trop enthousiaste, peut-être couvait-il trop d'espoir que le sort s'est acharné pour le voir tomber, et démanteler chaque parcelle d'espoir et de joie qu'il restait à la troupe endolorie que vous incarniez.

Le groupe allait se remettre en marche quand, d'un coin de l'oeil, vous remarquez qu'un soldat semblait penché sur le cadavre encore frais de Solaire. Il semblait le toucher du doigt. Puis il rejoignit l'arrière du rang et le groupe s'engagea alors dans la prochaine salle mortuaire.

Un bruit. De peu, l'arrière-garde esquiva une assemblée dégoutante de rats géants à moitié zombifiés qui couinaient et tentaient ça et là de griffer ce qui se trouvait devant eux. D'un violent coup d'épée et de hache, les soldats tuèrent ces vermines. Mais alors que le dernier rat semblait couiner de douleur, l'avant-dernier soldat poussa le dernier violemment sur le sol... Pour éviter une chose visqueuse qui venait de tomber du plafond. Cela ressemblait à de la vase... Vivante. Un limon !
"ECARTE-TOI !" hurla le soldat à celui qui venait d’atterrir sur le sol. L'un des soldat, soudain, se concentra et invoqua une gerbe de flamme qui sortît de sa main et brûla la créature dégoulinante.
"M... Merci" balbutia le soldat au sol, qui prît la main qui était tendu face à lui. En se relevant, il laissa tomber au sol un collier perlé. Il y avait un genre de soleil.
"Tu as volé le cadavre de notre défunt ami ? Cela lui appartenait."
"C'est pas ce que tu crois."
"Qu'est-ce que je crois ?"
"Abrégez ! coupa Jau. Nous devons avancer. Je vois de la lumière de l'autre côté de ce couloir."

Tel un capitaine, le groupe le suivit sans dire mot. Ils débouchèrent après quelques virages serrés sur une énorme salle, éclairée par des torches qui semblaient être allumées depuis une éternité. Il y avait des piliers sur les côtés. Mais le problème, c'était le gargouillement. Un bruit sourd mais puissant, qui semblait tout proche. La tension remonta aussi sec qu'elle était redescendu, mais le groupe semblait prêt à toute éventualité. Sauf à ça.


Ça partait d'un petit lézard que vous aperçûtes à l'autre bout de la salle, puis une gigantesque masse sortit d'une fosse camouflée par des débris. La bête avait quatre pattes, quand soudain, elle se replia sur elle-même... Et fit découvrir une *Censure* béante remplit de dents, un genre de dragon ouvert. Et cela n'avait rien d'amical.


Cette horreur vous fonçait dessus. Position martiale à nouveau.
Le réel problème, c'était que vous n'étiez pas de taille à affronter cette chose. Vous tentiez d'esquiver de violentes morsures et des coups de griffes mortels, tentiez de percer la peau rance de ce monstre mais vous n'y parveniez pas.
L'homme qui avait été reversé s'appelait Pat. Pat le Courtois. Son dernier instant allait arriver très bientôt, et la dernière chose qu'il allait voir était ses propres bras se faire déchiqueter et broyer.
La troupe dispersée remarqua tout de même une sortie peu loin. Le problème c'était l'accès, il fallait contourner le monstre qui sautait, volait, et se renversait sur le groupe pour tenter de le broyer d'un seul coup de semi-mâchoire. Il fallait une diversion.
L'un des soldats, celui qui avait poussé Pat pour lui sauver la vie, s'appelait Creighton l'Aventurier. Personne ne savait bien d'où il venait ni son passé, mais il était douté pour tuer. Il avait l'oeil mauvais, on ne distinguait d'ailleurs qu'un seul de ses yeux qui brillait sous son masque à moitié enfoncé. Et ce qu'il détestait, c'était les voleurs de cadavres. D'un coup de pied habile, il poussa Pat violemment vers le Dragon Béant. Comme il ne s'y attendait pas, il trébucha et tomba la tête la première sur les dalles ensanglanté et glissantes, à quelque mètres de la bête.
"ON SE TIRE !" hurla Creighton.
"Attend, il res..." commença Jau.
"PAS LE TEMPS, IL EST MORT ! PROFITONS-EN !" termina Creighton.
"AIDEZ-MOI ! NE ME LAISSEZ PAS LA... D'AILLEURS CE CREIGHTON EST UN..."
Il n'eût pas le temps de terminer sa phrase lorsque le Dragon Béant se referma sur lui, lui déchirant le corps, broyant ses os et, lorsque son sang fut expulsé par tous ses orifices, explosa en une volée d'organes.

Le groupe put fuir, laissant derrière eux un monstre inimaginable et un compagnon d'arme.